Tout est question de traces.
Le dévoilement de la mémoire peut être une thérapie par le souvenir. C’est une sorte de distraction par l’art afin d’oublier la « question », la vraie et apaiser la véritable angoisse. Dans toutes ses formes, l’art est une échappatoire au tragique par le tragique. Oublier la grande noire en se plaignant plus. Toujours plus.
L’artiste qui cherche à « dire » se perd dans ses dires. Et l’image ne dira que si elle est extirpée de quelque coin de la mémoire. On a beau réfléchir, l’image ne revient pas. C’est sa trace qui répond. Le sillon qu’elle a creusé renvoie sa cicatrice. Moi, j’avais pris l’art pour une théorie. Il s’est avéré un miroir.
Mais, les cicatrices réveillent toujours les blessures. On se croit guéri, mais la démangeaison est là, persistante.
Alors, je monte les symboles et les symboles montent l’œuvre. Je suis dedans. Déçu de l’art auquel je voulais soutirer des réponses. Déçu de la peinture comme acte d’existence. Je descends par étape. De déception en déception. Le salut que j’ai longtemps cherché a disparu et je n’ai que la surface angoissante du vide comme seule image. Je rassemble des mémoires instantanées desquelles je fais resurgir d’autres plus anciennes. Je confronte les événements.
J’invente des traces. Je colle des draps. Du papier, des cartes et du tissu. De la paille et des cailloux. Du sable et de la terre. Du « tout ».
J’assemble les cicatrices du quotidien. Le mien et celui des autres.
Mon œuvre est une plainte qui accentue ma peur quand je veux être rassuré. Les oiseaux noirs, les visages inquiétants, le meuble à non usage.
La question que je me pose se résume en une interrogation sur la mémoire. Est-elle soluble dans l’instant présent ? Ou bien, est-elle en opposition permanente avec d’autres mémoires parallèles ? Laquelle est plus importante ?
En quelques mots, je travaille plutôt avec beaucoup de matières que j’assemble ou je cumule, comme on cumule des instants, a priori dispersés et sûrement oubliable. « Ce qui compte, ce n'est pas l'objet, c'est de montrer que la vie de quelqu'un se loge dans un tiret », Boltanski en montrant une plaque des dates de naissance et de mort de sa mère.
Ma démarche artistique n’est engagée que par l’instant présent. L’instant qui est commun à tous et au même instant.